Pseudomonas aeruginosa et plaies chroniques
Révision datée du 21 novembre 2020 à 16:10 par Fabienne BORDOT (discussion | contributions) (→Echtyma)
Pseudomonas aeruginosa (PA) colonise fréquemment les plaies et provoque des plaies spécifiques
Bactériologie
- Connu également sous les termes : "Bacille pyocyanique", "Bacille du pus bleu", ou plus simplement "Pyo"
- Bactérie Gram négative aérobie saprophyte des environnements humides avec des sources de contamination humaine multiples (douche / robinet / piscine / bains bouillonnants / siphons d'éviers ou de lavabos). En milieu hospitalier, PA peut se développer dans les circuits d'eau, dans les nébulisateurs, dans certains antiseptiques, dans des collyres, des pommades, des savons et des pansements
- Le nom aeruginosa signifie en grec "rouille de cuivre" et témoigne de la couleur verdâtre (avec parfois des teintes rouges) des plaies colonisées par PA. Cette couleur est liée à la sécrétion par PA de 3 pigments : pyocyanine, pyoverdine et pyorubine
- La présence de PA provoque une odeur particulière que l'on apprend très tôt à évoquer pendant les études médicales ou infirmières. C'est l'odeur du seringa !
- PA est caractérisé par sa résistance aux antibiotiques et sa capacité à former des biofilms
Colonisation et infection ?
- Chez des sujets sains non hospitalisés et sans lésion dermatologique, la présence de PA est négligeable
- La rupture de la barrière cutanée et l'humidité à la surface des plaies expliquent la présence et la prolifération "naturelle" de PA
- Cette présence de PA à la surface d'une plaie ne signifie toutefois pas l'existence d'une infection (pas plus que son identification sur un prélèvement superficiel par écouvillonnage)
- Trois tableaux cliniques, avec implication de Pseudomonas aeruginosa sur des ulcères de jambe, doivent être connus :
- Colonisation "simple" des ulcères
- Ecthyma gangrenosum
- Intertrigo inter-orteils
Colonisation "simple" des ulcères de jambe
Clinique
- Nous avons évoqué la colonisation des plaies chroniques par PA en raison du milieu humide. Il n'est toutefois pas toujours simple de différencier colonisation et infection
- Pour affirmer une infection qui survient en cas de forte charge bactérienne ou de diminution des défenses immunitaires du patient (neutropénie / traitement immuno-supprésseur / dénutrition / cancer...), il faut un ensemble d'éléments parmi lesquels :
- - L'apparition de symptômes généraux
- - Une évolution défavorable de la plaie avec des signes de dissémination : abcès,dermohypodermite
- - L'apparition d'un pus verdâtre avec l'odeur caractéristique du "Pyo"
- - L'apparition de zones noirâtres qui correspond à une évolution nécrotique des plaies colonisées par PA, mais qui peut également être liée à la sécrétion de toxines provoquant une pigmentation noire
- - une majoration du syndrome inflammatoire biologique
- L'infection "vraie" d'un ulcère par PA peut être favorisée par des soins locaux non adaptés (pansements trop humides / Détersion insuffisante) ou par une majoration de l’œdème et des exsudats
Prise en charge
- Pour lutter contre la colonisation d'un ulcère par PA, et ainsi faire disparaître la couleur verte et l'odeur du "Pyo", il faut :
- - Lutter contre les facteurs inflammatoires de retard de cicatrisation : artériopathie / hyper pression veineuse
- - La prise en charge de la stase veineuse et des œdèmes est fondamentale. Un système de compression efficace limitera les exsudats, le milieu humide et donc la prolifération de PA
- - L'application d'antiseptique, sur des plaies colonisées par PA, reste toujours controversée
- - Assurer une Détersion quotidienne pour supprimer le biofilm et limiter sa reproduction
- - Limiter le milieu humide : privilégier les pansements secs (Alginates, fibres à haut pouvoir d'absorption, Pansements super-absorbants)
- La mise en place d'une antibiothérapie reste délicate :
- - PA a une forte capacité de résistance aux antibiotiques comme aux antiseptiques
- - Il faut donc veiller à ne pas déclencher d'antibiothérapie dans des cas de colonisation "simple", même si PA a été isolé sur un prélèvement superficiel
- - Si possible, il est souhaitable de prendre un avis spécialisé (Centre de Cicatrisation / Infectiologie) pour :
- ° faire la part des choses entre nette colonisation et infection
- ° discuter un prélèvement profond par biopsie
- ° envisager une antibiothérapie adaptée
Ecthyma
Contexte d'apparition
- L'Ecthyma gangrenosusm(EG) ou gangreneux survient sur un terrain d'immunodépression, mais aussi dans un contexte de diabète ou de dénutrition
Aspect clinique
- Localisation : les lésions d'EG peuvent se situer sur l'ensemble du corps, y compris sur les jambes où elles peuvent réaliser un tableau d'ulcère nécrotique
- - Soit lésion unique témoin d'une infection primitive de la peau
- - Soit des lésions multiples dans un contexte septicémique
- Évolution
- - La lésion débute par une plage (macule) érythémateuse qui devient ecchymotique puis purpurique et vésiculo-bulleuse
- - Une nécrose apparaît ensuite suivie d'une ulcération avec, parfois, une évolution vers un tableau de dermohypodermite nécrosante
En pratique, pensez à un Ecthyma gangreneux à PA
- Dans un contexte d'immunodépression / de diabète, de dénutrition
- Devant des ulcères nécrotiques de petites tailles, isolés ou multiples
- Prendre un avis spécialisé pour discuter de prélèvements tissulaires
- Pour éliminer une autre étiologie : ecthyma staphylococcique / streptococcique / charbon (retour d'un pays tropical)
Prise en charge d'un EG
- Discussion d'une antibiothérapie
- Traitement local classique :
- - assèchement de la nécrose
- - détersion mécanique secondairement
- - cicatrisation dirigée
Intertrigo inter-orteils (IIO)
Un intertrigo est parfois associé aux ulcères de jambe, d'autant plus s'il existe
- une macération liée à une absence ou insuffisance de compression
- un mésusage des pansements avec des pansements trop occlusifs
- Pseudomonas aeruginosa peut être responsable de ces intertrigos
Aspect clinique
- Il s'agit d'IIO sévères, macérés, malodorants, verdâtres qui touchent les espaces inter-orteils mais également les faces plantaires et dorsales des pieds
- On peut noter des érosions en nappe, parfois post-bulleuses
- La douleur est fréquente associée à un handicap pour marcher
Facteurs favorisants
- L'humidité liée parfois aux exsudats au niveau des ulcères
- Une mycose peut se surajouter, mais attention : tous les IIO ne sont pas que mycosiques !
- Il peut également exister un eczéma, lié aux topiques appliqués, et qui majore l'humidité
Prise en charge d'un intertrigo à PA
- Mise au repos du patient, pieds nus, sans marcher
- Lutter contre la stase veineuse et l’œdème par une compression adaptée
- Assécher les lésions avec des pansements absorbants, voire super-absorbants, y compris entre les orteils
- Intérêt du pansement Sorbact® appliqué autour des orteils et dans le fond des espaces inter-orteils
- Évitez les crème et poudre antifongiques
- Discussion avec avis spécialisé
- - d'une antibiothérapie
- - d'une corticothérapie locale