Ulcère par Nicorandil
Révision datée du 28 août 2020 à 09:41 par Pascal Valenti (discussion | contributions)
Les ulcères liés à la prise de Nicorandil sont particuliers et méritent d'être reconnus
Nicorandil
Pharmacologie
- Le Nicorandil est un ester du nicotinamide associant un activateur des canaux potassiques à un dérivé nitré
- Il est employé comme vasodilatateur dans le traitement symptomatique de l'angor
Toxicité cutanéo-muqueuse du Nicorandil
- Les ulcérations muqueuses sont connues depuis de nombreuses années. Elles sont de localisations buccale, anale et péri anale, vulvaire et péri-vulvaire, vaginale, pénienne, gastro-intestinale, colique, oculaire, péri-stomale
- Depuis quelques années on insiste également sur des localisations cutanées et notamment des ulcères de jambe
Mécanisme de la toxicité cutanéo-muqueuse du Nicorandil
- Le métabolisme hépatique du Nicorandil produit du nicotinamide et de l'acide nicotinique
- Les ulcères liés au Nicorandil se situeraient sur des lésions pré-existantes et feraient suite à une distribution anormale de ces 2 métabolites in situ
- - le nicotinamide produirait une ré-épithélialisation en bordure des ulcères
- - l'acide nicotinique détruirait cette bordure puis provoquerait, par un mécanisme chimique, l'extension de l'ulcération
Ulcères de jambe liés au Nicorandil
- Ces ulcères sont à évoquer systématiquement chez des patients traités par Nicorandil et porteurs d'ulcère de jambe
- Il s'agit de lésions profondes, avec des bords à l'emporte-pièce et à fond propre
- Il peut exister des fistules en périphérie
- Ces ulcères sont douloureux
- Ils sont volontiers récidivants et s'aggravent après un geste de détersion chirurgicale ou mécanique. L'acide nicotinique détruirait les nouvelles bordures "saines" de l'ulcère, mises à jour par le geste de Détersion
Comment prendre en charge un ulcère lié au Nicorandil ?
Rechercher et traiter d'autres étiologies à cet ulcère
- Insuffisance veineuse
- Artériopathie
- Autres prises médicamenteuses à risque (hydréa...)
- Lésion tumorale
Prendre en charge des facteurs de retard de cicatrisation
- Oedème → compression
Discuter avec le prescripteur l'arrêt du traitement par Nicorandil
- En l'absence d'arrêt du traitement et si le Nicorandil est bien responsable soit de l'apparition de l'ulcère, soit du retard de cicatrisation, le potentiel de cicatrisation est très limité
Prise en charge spécifique
- Détersion mécanique contre-indiquée +++++++
- - la Détersion, comme nous l'avons vu, peut exposer du tissu sain à l'acide nicotinique
- Détersion par pansement humide avec précaution
- - Un excès d'humidité peut dégrader les berges de la plaie et exposer ainsi plus de tissu à l'acide nicotinique
- Une corticothérapie locale peut être utilisée brièvement pour limiter les phénomènes inflammatoires
Cas clinique
- Une patiente de 76 ans était suivie pour un ulcère malléolaire évoluant depuis 10 mois (photo°1)
- - les antécédents sont marqués par : une HTA / Une fibrillation auriculaire / une arthrose diffuse
- - il existe une insuffisance veineuse chronique sur maladie variqueuse et les bandes de compression à allongement court ( Rosidal K®) sont bien utilisées
- - Le traitement habituel comprend : Amlor / Lasilix / Ikorel / Voltarène / Zopiclone / Amiodarone / Previscan / Paracétamol / Tramadol
- - l'ulcère est très douloureux (EVA 7 en permanence) avec des douleurs majorées lors et résiste aux traitements locaux multiples
- Après avoir éliminé une participation artérielle, nous avons :
- - interrompu le traitement par Ikorel avec l'accord du cardiologue
- - appliqué un dermocorticoïde sur la plaie (en l'absence de signe d'infection) et un pansement absorbant (Aquacel extra)
- - maintenu les bandes de compression Rosidal K®
- L'évolution a été marquée par :
- - une diminution des douleurs en 24 h, sans modification du traitement antalgique
- - une Détersion spontanée sans détersion mécanique
- - une épidermisation progressive à partir des berges (constatée dès le J7 : cf photo n°2)
- - une cicatrisation spontanée en 3 semaines