Anesthésie loco régionale

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Généralités

Définition

  • L’anesthésie loco-régionale (ALR) d’un membre se définit comme un blocage de la conduction de l’influx nerveux, de façon réversible et temporaire, suite à l’injection d’un anesthésique local (AL) au contact immédiat du tronc nerveux innervant ce membre
  • Cette anesthésie est obtenue grâce à un cathéter péri-nerveux (KTPN), mis en place à proximité d’un tronc nerveux, afin de délivrer en continu un anesthésique local pour prolonger l’analgésie pendant plusieurs jours
  • Le cathéter est relié à un dispositif délivrant un débit continu de l’anesthésique local avec ou sans possibilité de bolus : pousse-seringue électrique, dispositif de PCA (Patient Control Analgesia) ou dispositif élastomérique (infuseur)
  • L’objectif est d’obtenir un bloc différentiel → blocage au niveau des voies de conduction de la douleur avec conservation de la motricité et d’une sensibilité partielle

Anesthésiques locaux (AL)

Produits utilisés

  • Différents anesthésiques locaux sont utilisés → Lidocaïne, Bupivacaïne, Mépivacaïne
  • Dans le domaine qui nous intéresse des douleurs et des plaies d’origine artérielle, on utilise le plus souvent des cathéters péri-nerveux de Ropivacaïne (Naropéïne®)

Effets attendus des AL

  • A proximité des nerfs, les AL provoquent un blocage sélectif et réversible de la transmission nerveuse
  • Après injection de l’AL, les effets sont les suivants :
- un bloc-moteur → la contraction musculaire n’est plus possible entraînant une paralysie transitoire
- un bloc sensitif → la transmission des messages douloureux vers le cerveau devient impossible. Il existe une abolition de la sensibilité douloureuse et tactile (sens du toucher), responsable de l’anesthésie
- un bloc sympathique → à l’origine d’une vasodilatation périphérique et d’une augmentation de la température cutanée
- il peut exister une dissociation entre ces trois blocs permettant d’obtenir une anesthésie sans bloc moteur (sans paralysie motrice)

Indications et avantages de l'ALR

Dans le domaine de la chirurgie et des douleurs post-opératoires

  • Améliorer la prise en charge de l’analgésie de certaines interventions très douloureuses en post-opératoire
  • Eviter une anesthésie générale
  • Association à une anesthésie générale en diminuant les doses de morphine
  • Reprendre une alimentation rapide en post-opératoire
  • Reprise rapide de la mobilisation et optimisation de la réhabilitation post-opératoire
  • Diminuer les nausées et vomissements post-opératoires

Dans le domaine des troubles trophiques

  • Améliorer la prise en charge de l’analgésie dans les plaies hyperalgiques (artériopathie, angiodermite nécrosante, calciphylaxie…)
  • Améliorer le confort des patients avec des douleurs artérielles sans possibilité de revascularisation
  • Permettre la réalisation de soins interactifs douloureux (détersion / TPN / TPN + instillation)
  • Réduire les effets secondaires liés à l’utilisation des morphiniques
  • Permettre une antalgie chez des patients intolérants aux morphiniques
  • Favoriser le maintien à domicile et la mobilité des patients avec des plaies douloureuses
  • Douleur du membre fantôme

Contre-indication de l'ALR

  • Refus du patient
  • Anomalies de la coagulation
  • Allergie connue aux anesthésiques locaux
  • Infection cutanée sur la zone de ponction
  • Neuropathie existante
  • Pontage vasculaire à proximité

Effets indésirables

Effets neurologiques et cardio-vasculaires
  • Ils apparaissent dans des circonstances spécifiques
- injection intravasculaire accidentelle
- surdosage
- en cas de résorption trop rapide au niveau d’un tissu très vascularisé
  • La gravité de ces effets dépend de la rapidité d’obtention d’une concentration plasmatique → c’est l’intérêt de toujours faire un test d’aspiration avant d’injecter le produit pour confirmer l’absence de reflux sanguin
Effets secondaires neurologiques Effets secondaires cardio-vasculaires
Paresthésie et engourdissements péri-buccaux Hypotension artérielle
Fourmillement des extrémités Bradycardie
Céphalées, vertiges, malaise Bloc auriculo-ventriculaire
Gout métallique dans la bouche Troubles du rythme
Troubles visuels, acouphènes Arrêt cardio-respiratoire
Convulsions (signe de gravité)
Coma, dépression respiratoire
  • Conduite à tenir en cas de surdosage
- Arrêt immédiat de l’injection
- Prévenir le médecin anesthésiste-réanimateur
- Traitement symptomatique des convulsions, des troubles du rythme et de l’arrêt cardio-circulatoire
Autres effets
  • Déplacement / retrait du cathéter
  • Hématome au point de ponction
  • Infection au point de ponction

Les cathéters péri-nerveux de ropivacaïne (Naropéïne®) et plaies douloureuses des membres inférieurs → modalités pratiques

Quel type de bloc proposer ?

  • Dans le domaine des plaies douloureuses des membres inférieurs, on propose essentiellement 2 types de blocs :
Bloc sciatique poplité
  • Il permet d'envisager une anesthésie dans le territoire du nerf tibial et du nerf fibulaire commun
  • L'abord se fait sur le bord externe du creux poplité (Pour en savoir plus → ▶️)
Bloc saphène
  • Il provoque une anesthésie dans le territoire du nerf saphène qui est une branche terminale du nerf fémoral → face antéro-médiale (antéro-interne) et postéro-médiale (postéro-interne) de la jambe jusqu'à la malléole médiale (interne)
  • Plusieurs abords sont possibles sur le trajet du nerf fémoral (face interne de la cuisse) → le plus souvent l'abord se fait à la sortie du canal des adducteurs à la jonction 1/3 moyen et 1/3 inférieur de cuisse. (Pour en savoir plus → ▶️)

Mise en place du KTPN

  • La pose d’un KTPN est réalisée dans des conditions spécifiques :
- hospitalisation ou ambulatoire
- pose du KT en salle de réveil ou en unité de soin continu par un médecin anesthésiste-réanimateur (MAR)
- conditions d'asepsie rigoureuses : habillage de l’opérateur, environnement stérile et utilisation de champs troués
  • Le nerf est repéré en échographie
  • Anesthésie sous-cutanée du point de ponction et du trajet de tunnelisation du cathéter
  • Introduction de l’aiguille jusqu’à proximité du nerf sous repérage échographique
  • Mise en place du cathéter
  • Tunnelisation et fixation à la peau du cathéter afin d’assurer son maintien
  • Mise en place d’un filtre
  • Puis branchement de la tubulure à la pompe d’administration de l’anesthésique local

Modalités de surveillance

  • Les modalités de surveillance sont bien établies et doivent être suivies que le patient soit hospitalisé ou à domicile
Surveillance générale
  • Constantes hémodynamiques et température 2 fois/j
  • Une voie veineuse périphérique doit être maintenue 24 heures après la pose du cathéter
Surveillance de l’efficacité antalgique
  • Signes normaux rapportés par les patients :
- peau cartonnée engourdie
- fourmillements
- lourdeur dans le territoire anesthésié
  • Évaluer la douleur
  • toutes les 4 h à J0 puis 2 fois/jour
  • échelle numérique
  • Évaluer la présence d’un bloc sensitif
- insensibilité au froid et au chaud dans le territoire concerné
- il peut exister une dissociation entre douleur et présence d’un bloc sensitif
  • Évaluer l’efficacité des bolus auto-administrés par le patient (réévaluation 15 min après le bolus)
Évaluer un bloc moteur
  • On utilise le score de Bromage
Niveau 0 Pas de bloc moteur

Le membre inférieur est levé jambe étendue

Niveau 1 Impossible de décoller le talon du plan du lit

Mais possibilité de plier le genou

Niveau 2 Impossibilité de fléchir le genou

Mais possibilité de mobiliser la hanche

Niveau 3 Bloc complet

Impossibilité de mobiliser le membre inférieur

Évaluer les signes de surdosage
  • Signes neurologiques
- paresthésies péri-buccales avec goût métallique, sensation d’ébriété
- acouphènes, somnolence, tremblements, hypotension
- convulsion
  • Signes cardiovasculaires
- bradycardie, tachycardie, arrêt cardio-circulatoire
Évaluer les signes locaux au point de ponction
  • Réfection du pansement tous les 4 jours sauf s'il est décollé, souillé ou humide
  • Évaluation quotidienne
- vérifier la perméabilité du cathéter et l'absence de flux sanguin dans le cathéter
- rechercher des signes d’infection
- érythème / pustule / écoulement purulent
- dermohypodermite
- hyperthermie
- abcès
- rechercher un suintement (signe de fuite du KT)
Surveillance des points d’appui
  • Risque d’escarre ou de syndrome des loges
  • Surveillance des points d’appuis, des points de compression (attelles, plâtres et résine…)

Conduite à tenir

Antalgie inefficace - Soit douleur avec bloc sensitif → sous-dosage

- Soit douleur sans bloc sensitif → déplacement du cathéter
- Dans les 2 cas → Informer médecin anesthésiste réanimateur

Présence d'un bloc moteur (risque de chute) - Arrêt immédiat de la délivrance d’anesthésique local sans le clamper ni le retirer

- Informer le médecin anesthésiste-réanimateur
- Interdiction au lever en raison du risque de chute
- Vérifier la récupération de la motricité (1 à 2 h)

Signes de surdosage - Arrêt immédiat de la délivrance d’anesthésique local

- Mise sous O2 au masque à débit maximum 15 l/mn
- Vérifier que la voie veineuse périphérique soit fonctionnelle
- Informer le médecin anesthésiste-réanimateur
- Antidote → Intralipide 20 % 2 poches
- Si convulsion → position latérale de sécurité et canule de Guedel si besoin
- Si arrêt cardio-circulatoire → massage cardiaque Texte de la cellule

Infection au point de ponction - Informer le médecin anesthésiste-réanimateur

- Retrait du cathéter et mise en culture
- Discuter une antibiothérapie

Suintement au point de ponction - Ne pas retirer le cathéter → informer le médecin anesthésiste-réanimateur-

Durée du traitement

  • Il est difficile de codifier la durée du traitement dans le cadre des plaies hyperalgiques
Cathéter péri-nerveux posé dans un contexte d'ischémie critique
  • Le KTPN peut être posé pour obtenir une antalgie en attendant la revascularisation → il sera retiré après avoir vérifié
  • Si le patient n'est pas revascularisable, quelles que soient les raisons, le KTPN peut être maintenu pour améliorer la qualité de vie du patient
Cathéter péri-nerveux posé pour des plaies d'autres étiologies ou pour diminuer les douleurs induites par un traitement spécifique
  • Le KTPN sera retiré dès que possible → après une prise en charge étiologique de la plaie ou amélioration de l'état cutané
  • Si l'antalgie n'est pas obtenue → discussion multidisciplinaire avec le Centre Anti Douleur pour envisager la prise en charge au long cours des douleurs

Références