Déchirures cutanées

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Les Déchirures cutanées sont des ulcérations d'origine traumatique

Définition

  • Les Déchirures cutanées (DC) sont des séparations des couches de la peau, d'origine traumatique
- Elles peuvent être localisées sur l'ensemble du tégument
- Les DC des membres inférieurs seront plus particulièrement évoquées sur cette page
  • Ces lésions sont surtout fréquentes dans la population âgée et, notamment, dans les établissements de soins de longue durée[1] avec des prévalences variant de 10 à 54 %
  • Des recommandations internationales sont accessibles [2]

Terrain

Une peau fragile

- Induite par une corticothérapie prolongée
- Dermatose d'évolution atrophiante

Mode de survenue → traumatisme

  • Traumatisme direct
  • Induit par les soins : retrait d'un pansement adhésif / garrot top serré / tensiomètre
  • Nursing, mobilisation et transfert du patient
  • Pose ou retrait de chaussettes de compression

Autres facteurs de risque

  • Troubles cognitifs
  • Dépendance : troubles de la mobilité / déficit visuel ou auditif / immobilisation
  • Sécheresse cutanée

Aspect clinique

Classification de Payne & Martin

Déchirure cutanée de Type 1

  • Lésion traumatique linéaire sans perte de substance
  • Il peut exister un décollement de lambeau épidermique. Mais le lambeau est repositionnable en position anatomique, avec des bords alignés et jointifs

Déchirure cutanée de Type 2

  • Perte partielle de tissu
- < 25 % → type 2A
- > 25 % mais < 75 % → type 2B

Déchirure cutanée de Type 3

  • Perte tissulaire complète : primitive ou secondaire à la nécrose ultérieure du lambeau

Peau péri-lésionnelle → Autres signes de dermatoporose

Examens complémentaires

  • Diagnostic essentiellement clinique
  • Un Doppler artériel peut être demandé (sans urgence) pour évaluer une éventuelle artériopathie qui pourrait limiter le pronostic de cicatrisation

Pronostic

Évolution lente vers la cicatrisation

  • La peau, le plus souvent atrophique, et les co-morbidités chez un patient âgé limitent et ralentissent le processus de cicatrisation

Complications possibles

  • Nécrose du lambeau : le lambeau, initialement pâle à rosé, peut secondairement se nécroser

Orientation thérapeutique

Si plaie hémorragique

  • Compression puis pansement compressif avec alginate humidifié. L'urgence ici est à l'hémorragie et pas au soin du lambeau
  • Vérifier l'INR pour les patients sous traitement par AVK (anti vitamine K), et la NFP (Numération Formule Plaquettes) si l'hémorragie a été importante ou récidivante

Lavage de la plaie

  • Lavage doux de la plaie, à la main gantée sans compresse et sans gant, à l'eau + savon puis rinçage au sérum physiologique : éliminer les débris et la gelée hématique
  • Aucun intérêt des antiseptiques

Que faire du lambeau ?

  • Le repositionner le plus souvent possible +++++
- avec le doigt ganté, une pince, un écouvillon de prélèvement bactério humidifié au sérum
- bien ré-aligner les bords
- Contre-indication : suture / agrafes / bandes adhésives (strip) → risque de déchirure supplémentaire
  • Un parage initial du lambeau peut se discuter
- si le lambeau est déchiré et difficile à repositionner
- si la lésion est ancienne
- si le lambeau est nécrotique ou manifestement infecté

Quel pansement sur le lambeau ou sur la plaie sans lambeau ?

  • Contre-indication des pansements adhésifs et des strips +++++++++ : risque d'aggravation de la déchirure au retrait
  • Choix privilégié
- Interface siliconée ( Adaptic Touch® / Mépitel One®) ou lipidocolloïde (Urgotul®)
- Hydrocellulaire siliconé mince (à absorption moyenne) : forme extra mince (Mepilex EM®) ou Lite
  • Pansement secondaire en fonction des exsudats : compresses / pansement américain / pansement super-absorbant

Quelle compression ?

  • Une compression peut être discutée en raison de l’œdème mais le choix doit être fait avec beaucoup de prudence
- le risque est d'aggraver une situation parfois précaire
- il faut donc bien peser le rapport "Bénéfice/Risque"
  • Contre-indiquer les chaussettes ou bas de compression : la pose ou la dépose peuvent provoquer de nouveaux traumatismes
  • Si une bande doit être posée, il faut privilégier une bande à allongement court qui soit la moins "rigide" possible. Dans notre expérience, nous choisissons la bande blanche du kit Urgo K2

Fréquence du pansement ?

  • Le moins souvent possible : de 3 à 5 jours
  • Changer le pansement secondaire tous les jours : pour vérifier l’absence de complication (hémorragie / infection)
  • Astuce: le retrait du pansement doit se faire dans le sens "Base du lambeau → pointe du lambeau"

Que faire en cas de complication ?

Antibiothérapie s'il existe des signes d'extension ou d'érysipèle
- Si le lambeau devient inflammatoire (rouge sombre/ oedématié / fragile et friable) : discuter un parage puis une cicatrisation dirigée sur une plaie "classique"
- Détersion mécanique et / ou parage chirurgical
  • Absence d'évolution : avis spécialisé

Prévention

Évaluer le risque de déchirure cutanée dans les populations à risque

  • Des échelles de risques existent mais ne sont pas utilisées de façon systématique comme pour les escarres (score de Braden)
  • Il faut évaluer chez les patients : l'état cutané / le degré de mobilité / les facteurs de risque extrinsèques

Prévention du risque cutané chez les patients à risque

  • Prévention globale
- éducation du patient
- hydratation / nutrition / limitation si possible des traitements à risque
  • Lavage de la peau au savon doux ou surgras. Évitez les savons colorés et parfumés en raison du risque d'irritation ou d'eczéma qui pourraient fragiliser la peau
  • Appliquer un émollient systématiquement après la toilette chez les patients à risque pour assouplir la peau
  • Aucun pansement adhésif. Attention notamment aux prélèvements biologiques → demander à la personne du laboratoire de ne pas utiliser de ruban adhésif ou uniquement un ruban en silicone (Micropore silicone)
  • Mise en place précautionneuse des chaussettes et bas de compression
  • Chez les patients à risque de chute ou de traumatisme
- prévention globale du risque de chute
- capitonner les reliefs osseux (crête tibiale / avant bas / coude) avec pansement américain et jersey tubulaire)
- dispositifs spécifiques non remboursés : Pareplaie / Dermatuff
  • Lors des transferts / bancardage, prévenir les équipes du risque

Références

  1. Woo K, LeBlanc K . Prevalence of skin tears among frail older adults living in Canadian long-term care facilities.Int J Palliat Nurs. 2018 Jun 2;24(6):288-294
  2. https://www.woundsinternational.com/resources/details/best-practice-recommendations-for-the-prevention-and-management-of-skin-tears-in-aged-skin-an-overview